Moins d’État ou mieux d’État ? La question se pose aujourd’hui dans le contexte d’une économie mondialisée où le niveau national semble perdre de sa pertinence.
Le particularisme français, par exemple des services publics, est remis en cause par les directives européennes. Face aux nouveaux risques environnementaux, faut-il étendre la réglementation, ou au contraire, laisser le marché inventer les solutions ? De même, le souci de la justice sociale impose une nouvelle approche de la protection sociale, en termes d’équité plus que d’égalité.
L’évolution des services publics
La difficile réforme des services publics
La question des services publics est centrale pour le développe¬ment des sociétés démocratiques à économie de marché. Non seulement l’Union européenne, mais de nombreux pays dans le monde s’interrogent sur le meilleur amalgame possible entre biens collectifs et biens privés. Pour inventer une solution heureuse, la plupart des pays tâtonnent, procèdent à des expérimentations dont les résultats ne sont pas faciles à interpréter, et des conflits surgissent fréquemment.
Ce fut le cas par exemple en France à la fin de l’année 1995, au moment où certaines catégories de fonctionnaires ont estimé que l’idée même de service public se trouvait menacée par la réflexion alors en cours sur leur propre statut (l’ouverture du capital des entreprises publiques aux capitaux privés, c’est-à-dire à la concurrence est en effet à priori contradictoire avec « l’esprit » du service public).
Les grèves rituelles dans les transports (principalement la SNCF, mais aussi la RATP pour Paris et partiellement La Poste) témoignèrent d’une vive sensibilité, mais ne débouchèrent pas sur un débat d’envergure.
Deux positions se sont affrontées sans guère de nuances : la première défendait ce qu’il est convenu d’appeler le «service public à la française », la seconde déplorait les monopoles existants et se serait volontiers satisfaite d’une référence exclusive au marché.
Alors que la France compte sans doute de l’avance sur beaucoup d’autres pays, par la façon qu’elle a de combiner les services publics et l’économie de marché, le débat en est resté à l’opposition sommaire entre la privatisation et la nationalisation.
Combiner l’individuel et le collectif
L’encombrement des villes est aujourd’hui l’une des questions majeures que toute collectivité doit traiter. On sait très bien que la croissance du parc automobile ne peut qu’aboutir à un engorgement insupportable, dont certaines grandes villes font déjà la triste expérience. L’automobile demeure pourtant un symbole de la liberté individuelle au XXIème siècle. Comment assurer cette liberté de mouvement quand son affirmation généralisée conduit à sa négation.
La liberté individuelle rencontre ici sa propre limite. Sortir d’un cercle infernal exige un déplacement de la question. La circulation urbaine dépend du nombre de véhicules particuliers, certes, mais aussi du nombre de parkings et de leurs emplacements, ainsi que de l’infrastructure de transports en commun (métro, autobus, tramways).
Plus on voudra assurer la liberté individuelle, plus il faudra lui procurer les moyens de s’exprimer. On voit ainsi que l’exercice de cette liberté suppose une organisation collective efficace.
L’État régulateur
La fixation de normes, leur contrôle, la détermination des règles organisant tel ou tel service public peuvent être assurés par un nombre limité de fonctionnaires, la production du service étant garantie par des organisations privées, que celles-ci soient placées ou non en situation de concurrence.
Construire un État stratège et régulateur, qui produit peu mais réfléchit beaucoup, est devenu l’objectif.
État régulateur : État qui se concentre sur la définition des règles qui s’appliquent aux activités exercées pour le compte de la collectivité, et sur le contrôle de l’application de ces règles.
L’exemple de la prise en compte de la pollution, une réglementation originale :
Pour améliorer l’environnement, le gouvernement américain a recours à une approche qui exploite le mécanisme de prix, il a émis des « droits de pollution ».
Les entreprises ont le choix entre :
– transformer leur activité productive pour éviter de polluer leur environnement ;
– acheter des droits à polluer, ce qui revient à transférer à la collectivité le soin de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre la pollution.
La liberté de chacun est préservée.
D’administration plus souple, cette approche est équivalente à la taxation, en ce quelle permet de minimiser le coût d’épuration.
Mais ce recentrage des missions de l’État répond aussi à la pression de l’idéologie du libéralisme économique, qui veut réduire la place de l’État au profit du secteur privé et limiter le poids des prélèvements obligatoires. Une évolution qui, au nom de l’efficacité, des bienfaits supposés de la concurrence, conduit souvent à… oublier ce que doivent être les missions du service public.
Or, la privatisation générale des activités publiques, si elle ne s’accompagne pas d’un renforcement du pouvoir de l’État régulateur, est toujours un facteur d’accroissement des inégalités, qui menace la cohésion sociale, que ce soit dans le domaine de l’éducation, de la santé ou de la sécurité.