L’exercice du contrôle social se retrouve dans la réaction sociale face à la délinquance. Il faut distinguer tout d’abord trois notions : Conformité, déviance et délinquance.
Conformité : un comportement est qualifié de conforme s’il s’inspire des valeurs de la société et respecte les normes sociales en vigueur.
Déviance : à l’inverse, un comportement est qualifié de déviant s’il s’écarte des normes sociales.
Délinquance : comportement déviant, délictueux ou criminel, réprimé par l’application de sanctions négatives.
La déviance ne doit pas être confondue avec la délinquance : de nombreux comportements déviants, bien que réprouvés, sont cependant tolérés par la société. Seule la délinquance est punie. Cependant, la frontière entre les notions est parfois mouvante : certains actes ont été considérés comme délictueux, ils ne le sont plus(consommer de l’alcool aux E.U entre 1919 et 1932).
Durkheim précise qu’il y a dans toute société des individus ou des groupes qui refusent la morale et les comportements dominants ; la déviance est donc un phénomène normal dans la mesure où, la société étant en perpétuelle évolution, l’équilibre est sans cesse remis en cause, il s’ensuit alors des déséquilibres qui atteignent plus ou moins certains individus et les incitent à se révolter.
Il souligne ainsi le développement de la criminalité dans les sociétés industrielles, où la solidarité « organique » est nécessairement plus fragile, et le contrôle social plus relâché, du fait de l’autonomie dont jouissent les individus. La criminalité résulte alors du développement de l’anomie (Anomie du grec nomos : règle : absence de règles, plus précisément non respect des règles. )
Les différents types d’adaptation face à la délinquance
Le sociologue américain contemporain Robert Merton a distingué cinq grands types d’adaptation en fonction de l’attitude vis-à-vis des valeurs d’une société et des moyens employés pour s’intégrer ou au contraire se révolter ; le contrôle social n’est pleinement atteint que dans le premier d’entre eux :
– le conformiste s’en tient aux valeurs reconnues et adapte sa conduite aux normes reconnues par son groupe social
– l’innovateur se donne des objectifs socialement valorisés, mais recourt à des procédés qui peuvent être condamnables(ex : celui qui arrache des plants de maïs parce qu’il considère que les OGM sont dangereux pour la santé et l’environnement)
– le ritualiste est davantage respectueux de « la lettre que de l’esprit »(il respecte scrupuleusement les normes sociales mais est indifférents aux valeurs ; ainsi reproche-t-on au bureaucrate de suivre le règlement à la lettre et d’en oublier parfois l’esprit ; de même peut-on vérifier le danger de la force de soumission à l’autorité : « j’ai obéi aux ordres ».
– le marginal est celui qui décide de se retirer du jeu social : c’est le cas des vagabonds, des drogués, des clochards
– le rebelle ou révolutionnaire n’accepte pas les codes prescrits(valeurs, normes) et combat des règles édictées.
Les facteurs de la délinquance
L’affaiblissement des valeurs : lorsque l’individu ne parvient pas à atteindre ses buts personnels, il vit une frustration d’autant plus grande que les valeurs de solidarité sont affaiblies dans les sociétés individualistes.
La frustration est aggravée par l’effet de démonstration que provoque la publicité. Les individus ne peuvent réaliser leurs désirs personnels sans entrer en contradiction avec les normes et les valeurs de la société : le vol, la violence seront les seules issues trouvées par des individus qui ne sont plus guidés par le système de valeurs collectives.
Les crises, tout autant que les périodes de boom économique, sont des moments propices au dérèglement social : l’écart entre les désirs individuels et la possibilité de les satisfaire y est particulièrement grand.
La contradiction entre valeurs et réalité : le sociologue américain Merton remarque que certains crimes sont motivés par le désir de réussite sociale : or cette valeur est communément partagée par l’ensemble des Américains.
Mais tous les individus n’ont pas les moyens d’atteindre la réussite sociale en respectant la légalité : absence de diplôme, pauvreté, etc. La tentation est donc forte d’y parvenir en employant des moyens illicites, et en s’écartant des normes de conduite. On peut donc être d’accord avec l’idéal de la collectivité et encourir sa réprobation en s’écartant des normes de conduite.
L’influence du milieu dans lequel vit l’individu
– l’influence de la famille : l’augmentation des divorces, du nombre de familles monoparentales, l’absence du père ou d’un adulte jouant ce rôle peuvent perturber le processus de socialisation(notamment en ce qui concerne les adolescents).
– La mobilité géographique, liée à l’urbanisation, met en contact des populations hétérogènes. Les individus connaissent une situation d’anomie : ils sont écartelés entre différents systèmes de valeurs et ne parviennent pas à s’identifier au modèle dominant
– l’isolement des individus : le contrôle social est affaibli dans les cités-dortoirs, où du fait du travail des parents, les enfants sont laissés à eux-mêmes une partie de la journée.
– La personnalité individuelle : certains individus s’orientent vers la délinquance alors que d’autres, vivant dans les mêmes conditions, ne passent pas à l’acte.
– Le fait d’appartenir à une « sous-culture criminelle » : il existe des sociétés où le crime organisé devient une « sous-culture » avec ses valeurs et un code de conduite très exigent.
– Le fait d’appartenir à une bande : les bandes d’adolescents sont une autre forme d’association différentielle, qui peut, dans certains cas, se livrer à des comportements délinquants.
La violence dans le cadre de la « bande » résulte parfois des « guerres » où s’affrontent des bandes différentes pour le contrôle d’un territoire ; la déviance de la bande peut aller jusqu’aux trafics organisés, elle devient alors criminelle.
Mais si la plupart des jeunes participent à des « groupes de pairs », au moment de leur adolescence, cela fait partie de la socialisation et non pas de la déviance. Les « bandes » sont éphémères, et se disloquent avec l’âge : on peut donc admettre qu’elles constituent une instance parallèle de socialisation et de transition vers le statut d’adulte.
– L’expérience de la « galère » : les jeunes des banlieues des grandes villes qui vivent l’expérience de la « galère » la décrivent comme une situation de désorganisation sociale extrême, d’exclusion et de « rage » à l’égard de la société. La désorganisation se traduit de façon visible par la dégradation de l’habitat et des services collectifs, mais aussi par l’accumulation des problèmes personnels et familiaux, l’absence d’autorité parentale et de contrôle social.
Le sentiment d’exclusion est fondé sur l’absence de perspectives d’emploi lié à l’échec scolaire, la pauvreté des parents souvent au chômage. La « rage » exprime le refus d’une situation vécue comme une injustice. Les hommes politiques, les élus de la commune et les policiers concentrent l’animosité ; la « rage » peut déboucher sur des explosions de violence collective.